«Cette crise n'honore pas le mouvement politique auquel j'appartiens »
Le directeur de cabinet de Beït-Salam chargé de la défense, Hamada Madi Boléro, accepte de s'exprimer sur l'actualité nationale en accordant une interview à HZK-Presse / La Gazette des Comores. Des frictions au sein de l'armée nationale en passant par l'épineuse question de la réintégration du général Salimou à l'AND, la candidature annoncée de Sambi aux prochaines présidentielles et également la crise qui secoue la CRC, son parti politique, ce natif de Mboigoma à Mohéli répond sans ambages à nos questions.
Lors d'un entretien avec la presse, Mme Le Doux, ambassadrice de France dans la région Océan indien avait assuré que les Comores et la France travaillent concrètement sur la question de Mayotte. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Hamada Madi Bolero : Je dois admettre que la question de Mayotte est très délicate. Elle l'est aussi bien pour nous que pour la France. Depuis l'indépendance, notre pays n'a cessé au niveau des Organisations Internationales et Régionales de réclamer l'application des normes du droit international relatives à la décolonisation. Nous avons eu gain de cause parce qu'aucun pays au monde dont la France ne peut ouvertement nier cette évidence. Mais la réalité est que depuis l'indépendance, la France administre notre territoire au mépris du droit international. Le Chef de l'Etat Dr Ikililou DHOININE et son homologue François HOLLANDE, viennent de signer la Déclaration de Paris. Pour nous, Partie comorienne, nous avons retenu que la France reconnaît que notre différend est né suite à notre accession à l'indépendance conformément aux normes internationales relatives à l'accession à l'indépendance des territoires anciennement colonisés. Ces normes établissent clairement le cadre des relations entre l'ancienne puissance coloniale et le nouvel État, Sujet de droit international dont ses frontières sont celles héritées de la colonisation. À partir de ce fait majeur, la diplomatie doit entrer en jeu pour permettre pacifiquement que l'archipel des Comores sorte de cet imbroglio. C'est donc dans ce cadre, à mon sens, que nous travaillons concrètement sur la question. Concrètement, car nous ne pouvons pas à la fois affirmer que Mayotte est un territoire comorien, et continuer à négliger la population qui y vit ou à lui livrer une guéguerre quotidienne. Nous avons l'obligation comme nous l'avons fait lors de la crise séparatiste anjouanaise, de trouver une issue pacifique, conforme à notre état d'esprit de ne jamais céder sur le principe mais être prêt à travailler progressivement pour une meilleure harmonie des comoriens partout où ils se trouvent.
Justement, étant chef de délégation de la partie comorienne au Haut conseil paritaire, qu'attend-on concrètement de ce groupe ?
H.M.B. : D'abord, permettez-moi de rappeler que le Chef de l'État a expliqué lors de son Allocution du dernier 6 juillet qu'il a proposé à la partie française un « Contre-projet de Traité » dont il n'a pas dévoilé le fond. C'est lorsque la partie française a pris connaissance de ce texte que l'idée est née d'extraire des projets de Traités comorien et français, pour les travailler aussi longtemps que cela sera nécessaire avant d'examiner globalement le texte. Pour se faire, il fallait justement mettre en place un cadre de travail. Ce fut le sens de la Déclaration de Paris. Avant de la signer, le Chef de l'Etat a demandé les avis de l'Union Africaine ainsi que celui de quelques Chefs d'État de la région. Cette déclaration a institué un Haut Conseil Paritaire qui débute ses travaux à la fin du mois de novembre. Il se réunira également aux Comores au premier semestre de 2014. Il aura à examiner plusieurs sujets majeurs contenus dans les projets de Traité et au final, ce sera aux Comoriens et à ses élus d'en débattre pour adoption. Bien sûr, rien n'est facile dans un monde où les grandes puissances ont braqué toutes leurs forces pour le règlement du nucléaire, des conflits au Moyen-Orient, ou pour endiguer la crise économique qui menace les économies libérales qui tiennent presque la totalité de l'économie mondiale. Nous devons être suffisamment tacticiens et sereins pour nous frayer une piste qui fasse en sorte que nous continuons à exister et retrouver notre dignité d'une Nation unie et membre à part entière de la Communauté des Nations.
Qu'est ce qui bloque la réintégration du général Salim dans l'Armée Nationale alors qu'il est blanchi par la justice sur l'affaire de la rébellion et sur l'assassinat du Lieutenant-colonel Combo Ayouba ?
H.M.B.:Une question, excusez-moi de l'expression, tendancieuse ! Qui a parlé et où d'une réintégration et de qui ? Vous savez, l'Armée, contrairement aux autres corps de la fonction publique, est régie par des textes particuliers. Ils sont complexes et très rigides et c'est une bonne chose parce qu'ici il s'agit surtout des hommes d'armes. Toute décision requiert tact et responsabilité. Par le passé et vous l'aurez certainement remarqué, des officiers, sous-officiers et même hommes de rang furent radiés de l'Armée. Certains l'ont été sans respect justement desdits textes et cela tout au long du processus de la mise en place des forces armées. Cela est très déplorable ! Face à cela que faire pour à la fois le respect de la dignité des hommes et femmes qui ont choisi de servir la patrie sous uniformes mais en même temps pour la sauvegarde de la cohésion et de l'unité des corps qui composent notre Armée ? Je pense que nous, dirigeants politiques, devons absolument cesser de politiser notre institution garante de la stabilité du pays ; ensuite, concevoir des mécanismes sérieux et équitables de règlement de tels malheureux cas.
Les Comores et l'Arabie Saoudite vont signer des accords de défense le 13 décembre prochain. Pouvez-vous nous préciser les termes de ces accords ?
H.M.B. : D'abord, j'ignore d'où vient cette information datée. Oui, notre pays comme d'ailleurs tous les pays du monde, est en pleine mutation et nous portons une attention particulière à la sécurité nationale. Nous avons signé des accords de défense avec la France ; ils ont été ratifiés par le Chef de l'État après avoir obtenu l'autorisation des Élus du Peuple. Avec les États-Unis d'Amérique, nous ne sommes pas loin. Avec Madagascar et le Maroc également. Mais en même temps, un projet d'accord a été présenté aux Autorités du Royaume Saoudien, d'Oman, des Émirats et du Sénégal. Dès que notre Ministère des Relations Extérieures nous informera de la disponibilité d'un de ces pays dont l'Arabie Saoudite à procéder à la signature, nous en informerons les autorités nationales et la presse bien sûr. Ce genre d'accords est standard à des différences très négligeables qui tiennent compte de la géopolitique, de la géostratégie mais également du niveau des relations bilatérales entre les deux parties.
Quelle est votre regard par rapport à la guerre des chefs qui déchire votre parti politique, la CRC ?
H.M.B. : Je le vis très mal, je l'avoue ! Cela n'honore pas le mouvement politique auquel j'appartiens. Tenez-vous bien, je suis le dernier candidat national du parti et mon avis apparemment n'a intéressé personne. Sous d'autres cieux, jusqu'à la désignation d'un autre candidat national, j'aurai été celui qui serait toujours consulté et considéré comme leader. J'espère que ça n'est qu'un mauvais moment que le parti vit ! Mon attitude d'être au-dessus de la mêlée est surtout dictée par le fait que j'assume des responsabilités très sérieuses auprès du Chef de l'État auquel je dois loyauté et franchise, et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé à être libéré de mes obligations partisanes. Permettez-moi donc de ne pas être bavard sur ce sujet !
Propos recueillis par Maoulida Mbaé -HZK-Presse